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Les bactéries buccales n'infectent pas seulement la bouche mais y resident. Elles peuvent également passer dans la voie sanguine et atteindre des organes secondaires. S’il n'est pas traité, le biofilm dentaire peut provoquer une inflammation destructrice dans la cavité buccale, entrainant de graves complications médicales. Dans ce biofilm, Streptococcus gordonii, colonisateur oral primaire, constitue la plate-forme sur laquelle des colonisateurs pathogènes tardifs comme Porphyromonas gingivalis, l'agent causal des maladies parodontales, se lieront. L'objectif de la première partie de la thèse était de déterminer l'activité antibactérienne de onze composés de lichens appartenant à différentes familles chimiques, pour découvrir de nouveaux antibiotiques pouvant combattre ces bactéries buccales. Nous avons montré que trois composés avaient des activités antibactériennes prometteuses. L'acide psoromique enregistrait les CMIs le plus faibles. De nouveaux analogues de butyrolactone ont ensuite été conçus et synthétisés sur la base des composés antibactériens licheniques connus, les acides lichesteriniques, en substituant différents groupes fonctionnels sur le cycle butyrolactone pour améliorer son activité sur S. gordonii et P. gingivalis. Parmi les dérivés, B-12 et B-13 avaient la plus faible CMI où ils se sont révélés être des bactéricides plus forts, 2 à 3 fois plus, que l'antibiotique, doxycycline. B-12 et B-13 étaient également les plus efficaces vis-à-vis de P. gingivalis. La cytotoxicité de ces 2 composés a ensuite été vérifiée contre les cellulaires épithéliales gingivales humaines et les macrophages. Ils ne présentaient pas de toxicité contre les cellules testées. Une étude préliminaire de relation structure-activité a révélé le double rôle important apporté par deux substituants, chaîne alkyle en C5 et groupe carboxyle en C4 positions, dans leur mécanisme d'action. Ceci a été suivi par l'étude de l’activité antibiofilmique de B-12 et B-13 contre les deux souches orales en utilisant un test de cristal violet et microscopie confocale. Les deux dérivés ont montré, à une concentration plus faible, une inhibition maximale de la formation du biofilm, LCMI, de 9.38 μg/mL contre S. gordonii et 1.17 μg/mL contre P. gingivalis. Cependant, lorsque des concentrations sous-inhibitrices de B-12 et B-13 ont été utilisées, nous avons démontré que les deux souches étudiées pouvaient former des biofilms in vitro, accompagné d’une diminution de l'expression des gènes impliqués dans l'adhésion et la formation de biofilm. Pour mieux comprendre les mécanismes d'action des butyrolactones, nous avons étudié la localisation bactérienne du composé B-13 en synthétisant un B-13 marqué au NBD (4-nitro-benzo [1,2,5] oxadiazole) fluorescent conservant son activité antibactérienne. Par microscopie confocale et HPLC, nous avons montré que ce composé se lie à la surface cellulaire de S. gordonii. Ensuite, B-13 induit une rupture de la paroi cellulaire conduisant à la libération des constituants bactériens et par conséquent, à la mort de S. gordonii, une bactérie Gram-positive. L'expression de deux gènes, murA et alr, impliqués dans la synthèse de la paroi cellulaire, a été modifiée en présence de cette butyrolactone. Les bactéries Gram négatives telles que P. gingivalis ont également montré des cellules abimées présentant une rupture de la paroi en présence de B-13, ce qui suggère que cette butyrolactone agit sur des Gram-positives et Gram-négatives avec une plus grande efficacité contre les Gram-négatives. En outre, nous avons également démontré que l'analogue de B-13, B-12, induit une perturbation de la morphologie de P. gingivalis et S. gordonii. Toutes ces études ont démontré que les butyrolactones dérivées de lichen peuvent être proposés comme des composés antibactériens puissants contre les agents pathogènes oraux qui causent des complications médicales graves.