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Dans les anciens orogènes, déterminer avec précision l’évolution pression–température–temps (P–T–t) des roches métamorphiques est important pour estimer la vitesse des processus menant à la formation de la chaîne de montagnes. Cependant, l’interprétation des âges obtenus pour ces roches, spécifiquement les âges sur zircon, fait débat. En effet, le comportement de ce minéral, pourtant le plus fréquemment daté, est assez peu compris, et relier sa cristallisation à une portion du chemin P–T est une tâche délicate. L’étude de deux séries d’échantillons collectés dans la région de Nordfjord-Stadlandet (Région des Gneiss de l’Ouest, Norvège) permet d’apporter de nouveaux éléments quant aux contraintes d’âges sur le métamorphisme de haute pression. Le zircon montre des résultats sensiblement différents entre les affleurements : pour l’un, un seul âge concordant a été obtenu, tandis que pour le second affleurement, les analyses sur zircon révèlent de nombreuses dates, couvrant environ 40 Ma. Dans les deux affleurements, les éléments de diagnostics usuels (partage des terres rares entre grenat et zircon, thermométrie sur éléments traces) ne permettent pas de relier ces âges à des portions bien définies des chemins P–T déduits pour les roches étudiées. Les âges sur zircon ne font sens et ne peuvent être intégrés à l’évolution P–T que grâce à la comparaison avec les âges sur grenat et rutile. De fait, le zircon semble plus prompt à (re)cristalliser après le pic métamorphique, datant donc la décompression et le refroidissement. Cette étude présente aussi une nouvelle évidence naturelle du découplage entre le lutécium et l’hafnium dans le grenat, vieillissant artificiellement la date Lu–Hf de plusieurs dizaines de millions d’années, et causé par la rééquilibration du grenat lors d’un réchauffement associé à la décompression post-métamorphisme de faciès éclogite. Enfin, d’un point de vue de la géologie régionale, les différences pétrologiques (la zonation absente ou présente dans le grenat, la forme du chemin P–T) et géochronologiques observées entre les échantillons des deux affleurements peuvent suggérer une structure de la zone d’étude plus complexe que celle admise actuellement. L’étude pétrologique d’une des deux éclogites fraîches suggère une compression isotherme de ~15 à 29 kbar, à 600 °C. Cette évolution prograde inhabituelle nécessite de remettre en question l’interprétation habituellement faite de la pression comme indicateur des profondeurs atteintes par les roches, et donc des mécanismes responsables du métamorphisme d’ultra-haute pression dans les zones de convergence.