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Introduction. Sur l’année 2020, 213 000 femmes se déclarent victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint et 102 féminicides ont eu lieu. 57,2% des femmes se déclarent être ou avoir été victimes, au cours de leur vie, de violences sexuelles, physiques ou psychologiques de la part de leur partenaire ou ex-partenaire. Ces chiffres sont en augmentation suite à la mise en place du télétravail lors de l’épidémie de coronavirus. Le dépistage de ces violences et leur repérage précoce permettrait une meilleure prise en charge des patientes. L’objectif de cette étude est de mettre en évidence que le dépistage systématique par le médecin urgentiste de ces violences intra-familiales permettrait d’augmenter significativement le pourcentage de femmes se déclarant victimes de ces violences depuis leurs 18 ans. Matériel et Méthode. Cette étude prospective, observationnelle, multicentrique effectuée en Ille-et-Vilaine (France), comprend 291 patientes adultes s’étant présentées aux urgences entre le 1er et le 30 avril 2022. Nous avons réalisé un dépistage systématique par le médecin urgentiste, des violences faites aux femmes. Ce dépistage avait lieu à la fin de chaque consultation, ce qui permettait de laisser le temps aux femmes d’évoquer spontanément l’existence d’éventuelles violences. Le critère de jugement principal était la variation de pourcentage de femmes déclarant des violences intrafamiliales depuis leur 18 ans, sur les données appariées « avant » et « après » dépistage systématique. Nous avons utilisé le test de Mc Nemar pour le critère de jugement principal. Le critère de jugement secondaire est composite et comprend l’âge des femmes, le motif principal de leur consultation, l’ancienneté des violences, le type de violences, l’auteur des violences, la proportion des femmes ayant déjà fait part de violences auprès d’un professionnel ou d’une association. Nous évaluons l’aisance des praticiens à aborder le sujet via une échelle numérique allant de 0 à 10, ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont éprouvé une difficulté à mener l’interrogatoire. Résultats. Sur les 291 femmes incluses dans l’étude, 100 d’entre-elles se sont déclarées être ou avoir été victimes de violences intra-familiales depuis l’âge de 18 ans, soit 34,36%. Seulement 26% de ces femmes l’ont évoqué spontanément au médecin urgentiste et 41% n’avaient encore jamais parlé de ces violences. Le nombre de femmes se déclarant victimes de violences est significativement augmenté après dépistage par le médecin urgentiste (p<0,001). Conclusion. Le dépistage systématique par tous les médecins, particulièrement les médecins de soins primaires comme les urgentistes, semble permettre de dépister un nombre significatif de patientes qui n’auraient pas parlé de leurs violences spontanément. L’éducation des professionnels de santé au dépistage et au suivi de ces patientes semble être un point charnière pour l’amélioration de la prise en charge des victimes.