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CONTEXTE : La prise en continu de la pilule œstroprogestative est étudiée depuis 1977 et les données de la science concernant ce régime « étendu » sont rassurantes en termes d’efficacité, d’innocuité et d’acceptabilité. Bien que ses indications potentielles soient nombreuses, en France, ce schéma de prise reste peu pratiqué. OBJECTIF : Nous avons souhaité explorer les représentations des femmes sous pilule œstroprogestative concernant l’aménorrhée provoquée par sa prise en continu, afin d’appréhender les freins à son utilisation. MÉTHODE : Une étude qualitative par entretiens semi-dirigés a été menée de janvier 2019 à avril 2020 auprès de femmes sous pilule œstroprogestative. Les données ont été analysées de façon thématique. RÉSULTATS : Dix-sept entretiens ont été menés. Les femmes interrogées fondaient leur décision d’utiliser ou non un régime étendu en s’appuyant sur trois paramètres : leurs représentations des données de la science, l’avis de leur soignant et leur expérience personnelle. Leurs représentations des données scientifiques concernant le régime étendu étaient très majoritairement négatives, les femmes imaginant une altération de leur fertilité du fait de ce mésusage. Ces représentations étaient enrichies de fausses croyances et généraient chez les utilisatrices de la culpabilité. Les avis de leurs soignants concernant le régime étendu apparaissaient variés : allant de positifs, favorisant l’autonomie, prudents, autorisant seulement un usage ponctuel, jusqu’à réfractaires. Des femmes rapportaient également n’avoir jamais reçu d’information médicale concernant ce schéma de prise. Leurs expériences du régime étendu confrontaient des éléments positifs comme de nombreuses circonstances d’utilisation, son efficacité, sa tolérance, sa simplicité d’utilisation et l’adhésion de l’entourage, à des éléments négatifs tels que des effets secondaires, des spottings, l’aggravation possible de symptômes menstruels, des problèmes de délivrance à la pharmacie hors prescription ainsi que la désapprobation de l’entourage. Dans une seconde partie, nous avons exploré plus largement leur rapport aux règles et à la contraception. CONCLUSION : Les représentations des femmes sur le régime étendu sont dominées par la crainte. Les principaux freins à l’utilisation de ce régime sont la méconnaissance des données de la science par les femmes et certains soignants, ainsi qu’un manque d’accompagnement, renforcés par des représentations sociétales péjoratives des hormones. Les femmes dans cette étude aspirent à plus d’information sur la contraception, plus d’écoute et d’accompagnement, pour certaines, conscientes que cette méconnaissance engendre des craintes et les limite dans leurs décisions. Le rôle du soignant est peut-être, plus que jamais, de permettre aux femmes de faire leurs choix contraceptifs de façon libre et éclairée.