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Le phosphore est un élément crucial pour la vie sur Terre, de par son implication dans les processus bioénergétiques, le stockage et le traitement de l'information génétique. C'est également l'un des nutriments limitants en agriculture, aux côtés de l'azote et du potassium. Depuis la révolution verte au milieu du 20ième siècle, le monde agricole est dépendant des engrais phosphorés à bas coûts, fabriqués à partir d'une ressource fossile et nécessaires à l'amélioration des rendements des cultures à même de répondre aux besoins en nourriture d'une population en forte croissance. Cependant cette ressource, la roche phosphatée, s'épuise progressivement. De plus, son utilisation est très peu efficiente : moins de 20% du phosphore extrait se retrouve effectivement dans la nourriture consommée. L'une des raisons de cette faible efficience est la spécialisation de régions entières dans des productions agricoles spécifiques. Ainsi, les régions spécialisées dans les cultures à hauts rendements ont besoin de grandes quantités d'engrais minéraux alors que les régions d'élevage intensif ont des excédents de lisier sans terres agricoles suffisamment grandes et proches pour servir de zones d'épandage. L'épandage excessif de lisier en Bretagne est la cause première d'eutrophisation des cours d'eau. Le phosphore contenu dans le lisier porcin pourrait être recyclé sous forme de struvite (MgNH4PO4,6H2O), un engrais phosphaté à dissolution lente, très concentré et facilement transportable vers les régions de cultures végétales nécessitant une fertilisation phosphatée importante. Le phosphore du lisier porcin étant initialement présent sous une forme minérale solide, il est nécessaire de le dissoudre avant de le précipiter en struvite. Parce-que la dissolution par acidification chimique est trop chère et implique un mauvais bilan environnemental, le procédé développé lors de cette thèse utilise l'acidogénèse, un procédé biologique au cours duquel la matière organique est convertie en acides organiques en absence d'oxygène, acidifiant naturellement le lisier porcin. Différents déchets organiques ont été testés en tant que co-substrats dans du lisier porcin brut ou digéré, provoquant une fermentation de type lactique lorsque le co-substrat possédait une forte teneur en glucides facilement biodégradables, et une fermentation avec de nombreux acides organiques produits lorsque la teneur en glucides facilement biodégradables était faible. Il a pu être démontré que la fermentation lactique était le fait de bactéries appartenant au genre Lactobacillus, alors que divers Clostridiales dominaient lors des autres fermentations avec la production d'acétate, propionate, butyrate et valérate. Un réacteur en semi continu alimenté d'un mélange de lisier brut de petit pois et de carottes a permis la dissolution de 50% du phosphore total soit 750 mg-P/L. Après centrifugation, 3.4 g d'hydroxyde de magnésium par litre de surnageant a été ajouté afin d'élever le pH à 8 et ainsi précipiter la struvite. 99% du phosphore dissous a alors été abattu. Le solide obtenu contenait 70% de struvite, un léger excès de phosphore et de magnésium, ainsi que de la matière organique. L'acidogénèse permet l'hydrolyse de la matière organique complexe et la formation d'acides organiques. De ce fait, ce procédé de recyclage du phosphore contenu dans le lisier porcin pourrait être implémenté dans les nombreuses unités de méthanisation présentes en Bretagne et qui traitent des effluents animaux ainsi que des déchets organiques d'origine agricole, industrielle et municipale. La struvite obtenue pourrait être vendue dans les régions ayant besoin de fertilisation phosphatée alors que la matière organique du digestat pourrait être maintenue en Bretagne. Un tel procédé réduirait significativement l'eutrophisation due à l'épandage excessif du lisier tout en diminuant les besoins en fertilisants minéraux fossiles grâce à une source alternative aux performances fertilisantes équivalentes.