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Une recrudescence de l’émergence ou de la réémergence de maladies infectieuses touchant l’homme ou ses animaux domestiques a été constatée ces dernières décennies. La majorité de ces maladies sont zoonotiques, c’est à dire originaires de la faune sauvage, et impliquent souvent un vecteur dans leur cycle de transmission. Parallèlement, des changements d’utilisation du sol en lien avec une intensification agricole modifient les paysages. L’objectif de cette thèse était d’améliorer l’état des connaissances de l’influence du paysage sur les relations entre hôtes, vecteurs et pathogènes. En Europe, les micromammifères peuvent abonder dans la plupart des écosystèmes terrestres, ce qui en fait des hôtes de choix pour les tiques généralistes Ixodes ricinus. Ils sont aussi des réservoirs d’agents infectieux transmis par les tiques. Les résultats de la thèse sont basés sur deux ans d’échantillonnage, printemps et automne, des micromammifères et des tiques dans différents paysages. Nous avons aussi recherché trois agents infectieux qu’ils hébergent et transmettent : Borrelia burgdorferi sensu lato (maladie de Lyme), Anaplasma phagocytophylum (anaplasmose) et Theileria (Babesia) microti (piroplasmose), ce dernier n’ayant pu être exploité en raison de sa trop faible prévalence. Les 24 sites d’échantillonnage étaient pour moitié en cœur ou en lisière de forêt et pour moitié dans des paysages agricoles offrant un gradient d’occupation du sol et d’ouverture du paysage. Le meilleur facteur explicatif de l’abondance de nymphes est la présence de larves d’I. ricinus l’année précédente. Les résultats indiquent aussi une relation entre le nombre de larves portées par les mulots sylvestres (Apodemus sylvaticus ; 76,5% des captures) et l’abondance de nymphes l’année suivante. Les campagnols roussâtres (Myodes glareolus ; 22,3% des captures) portaient moins de larves au printemps, certainement du fait d’une résistance acquise aux tiques des individus hivernants. Bien que ces deux espèces réagissent différemment aux variables de composition et de configuration du paysage, les abondances de nymphes n’étaient pas expliquées par ces variables. D’autres hôtes, comme les chevreuils (Capreolus capreolus), et des facteurs microclimatiques et météorologiques influencent donc probablement aussi les abondances et la distribution des tiques dans le paysage. La richesse spécifique des hôtes et l’abondance des campagnols roussâtres, trois fois plus infectés que les mulots sylvestres, amplifieraient les prévalences d’A. phagocytophylum de ces deux espèces de rongeurs. A l’inverse, la fragmentation du paysage, via la réduction de la taille des populations d’hôtes, semble agir négativement sur ces prévalences. Aucun patron spatial évident n’a été observé pour B. burgdorferi s.l.. De même, aucun lien n’a pu être fait entre les prévalences des rongeurs et celles des nymphes d’I. ricinus. Ces résultats suggèrent un rôle probable d’espèces de tiques plus spécialistes, I. trianguliceps et I. acuminatus, dans la circulation des agents infectieux étudiés, soulignant l’intérêt qu’il pourrait y avoir à considérer l’ensemble de la communauté de vecteurs dans de futures études. L’ensemble des résultats soulignent aussi l’importance qu’il y aurait à considérer un maximum d’hôtes micromammifères réservoirs, même peu abondants, à l’échelle du paysage pour mieux comprendre la transmission de ces maladies infectieuses vectorielles.