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Introduction : La variabilité du rythme cardiaque est étudiée à partir des variations de durée des cycles cardiaques (intervalle R-R de l’électrocardiogramme). Ces variations peuvent être analysées par des méthodes linéaires (temporelles et fréquentielles) et non linéaires (théorie de l’information ou des fractales) de quantifications mathématiques et statistiques qui donnent des informations innovantes sur les signaux analysés. L’application de ces méthodes d’étude en néonatologie a démontré un intérêt pour le diagnostique précoce de l’infection néonatale tardive du prématuré mais n’avait pas été étudié dans l’infection néonatale précoce du nouveau-né à terme, dans le contexte des évènements cardio-respiratoires suivant la primo-vaccination des prématurés ou pour évaluer un effet neurologique de l’hyperbilirubinémie dans l’ictère néonatal. Notre hypothèse dans ce travail était qu’il était possible de : (i) caractériser la variabilité du rythme cardiaque en cas d’infection materno fœtale ou de méningite néonatale, (ii) mettre en évidence des facteurs prédisposant à la survenue d’évènements cardio-respiratoires post-vaccinaux, (iii) Identifier un éventuel retentissement neurologique de l’ictère néonatal par étude de la variabilité du rythme cardiaque. MÉTHODE : Les analyses ont été effectuées à partir d’enregistrements cardiaques (Holter) cardio-respiratoires ou polysomnographiques. Ces analyses ont été réalisées en comparant des nouveau-nés à terme témoins « sains » à des nouveau-nés à terme infectés ou ictériques et en comparant des tracés pré et post-vaccinaux obtenus chez des grands prématurés (avec ou sans traitement par ibuprofen). Les principaux paramètres de variabilité étudiés étaient : la variabilité globale [déviation standard de la durée des intervalles RR en méthode linéaire (SD) ou puissance spectrale en analyse fréquentielle], La variabilité à court terme reflet de l’activité parasympathique d’origine respiratoire [différence moyenne de la valeur absolue des différences entre battements successifs (rmssd) ou variabilité de haute fréquence en domaine fréquentiel (HF) ou mesure de la variabilité à court terme par la méthode de carte de premier retour de Poincaré (SD1)], La variabilité à long terme modulée notamment par le baroréflexe [variabilité de basse fréquence en domaine fréquentiel (LF) ou mesure de la variabilité à long terme par la méthode de carte de premier retour de Poincaré (SD2)], La balance sympatho-vagale estimée par les rapports LF/HF ou SD2/SD1, L’entropie qui mesure la régularité ou la prévisibilité des données d'une série temporelle souvent considérée comme une estimation de complexité ou d’adaptabilité du rythme cardiaque, Les mesures de corrélations fractales qui évaluent la structure de l’organisation temporelle de la variabilité du rythme cardiaque. PRINCIPAUX RÉSULTATS : Dans la première partie de notre travail, en comparant 16 nouveau-nés infectés certains et 17 témoins nous avons pu mettre en évidence que l’infection néonatale précoce était associée à une augmentation de variabilité globale (SD), une augmentation des variations à long terme (LF, SD2), une tendance à la diminution de complexité (entropie approximée faible). L’importance de la baisse d’entropie approximée a été corrélée à la sévérité de l’infection évaluée par les marqueurs sanguins. Des résultats voisins ont été trouvés en comparant 4 méningites néonatale et 15 témoins. Dans la deuxième partie, la variabilité de la fréquence cardiaque a été mesurée avant et après une vaccination. Dans une première étude chez 31 enfants prématurés < 32 semaines d’aménorrhée nous avons mis en évidence que le risque d’augmentation des événements cardio-respiratoires après la première vaccination était associé à un profil de variabilité cardio-respiratoire pré-vaccinal particulier. Ce profil associait: une prédominance de l’activité sympathique (augmentation du rapport LF/HF), une entropie approximée faible et une immaturité du contrôle respiratoire. Dans une deuxième étude les effets de l’administration pré-vaccinale d’ibuprofen ont été comparés à un placebo pour prévenir la survenue d’évènements cardio-respiratoires. Cette étude a porté sur 56 enfants prématurés < 32 semaines d’aménorrhée (28 enfants pour chaque groupe), elle a montré que l’ibuprofen pouvait réduire l’élévation de la CRP et le nombre d’évènements cardio-respiratoires. Dans la troisième partie, nous rapportons un effet de l’hyperbilirubinémie sur la variabilité du rythme cardiaque. La comparaison de nouveau-nés à terme ayant présenté une hyperbilirubinémie non conjuguée < 200 μmol/L à des nouveau-nés ayant présenté une hyperbilirubinémie comprise entre 200 et 350 μmol/L a été réalisée. Il a été constaté une tendance à la diminution de la variabilité globale (SD, p=0.08) et de la variabilité à court terme (significative pour HF, p=0.04) ainsi qu’une corrélation inverse significative entre la bilirubinémie et HF (r=-0.32). CONCLUSIONS : L’analyse de la variabilité du rythme cardiaque permet en période néonatale: De mettre en évidence des modifications significatives de modulation du rythme cardiaque évocateurs de dysautonomies associées aux infections néonatales précoces du nouveau-né à terme, D’identifier des caractéristiques possiblement discriminantes en terme de risque d’évènements cardio-respiratoires post-vaccinaux, D’identifier objectivement un effet préclinique de l’hyperbilirubinémie sur les mécanismes de régulations du rythme cardiaque. Ces observations semblent ouvrir des perspectives en terme d’applications cliniques qu’il semble utile de tester plus avant.