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Il est raisonnable de considérer qu'un auditeur ne perçoit pas la musique comme une simple séquence de sons, pas plus que le compositeur n'a conçu son morceau comme tel. La musique est en effet constituée de motifs dont l'organisation intrinsèque et les relations mutuelles participent à la structuration du propos musical, et ce à plusieurs échelles simultanément. Cependant, il est aujourd'hui encore très difficile de définir précisément le terme de concept musicale. L'un des principaux aspects de la musique est qu'elle est en grande partie constituée de redondances, sous forme de répétitions exactes et variées. L'organisation de ces redondances permet de susciter une attente chez l'auditeur. Une surprise peut alors être créée en présentant des éléments qui ne correspondent pas à cette attente. Ce travail de thèse se base sur l'hypothèse que les redondances, l'attente et la surprise sont des éléments essentiels pour la description de la structure musicale d'un segment. Un certain nombre de questions découlent de ce constat: quels sont les éléments musicaux qui participent à la structure d'un objet musical ? Quelles sont les dépendances entre ces éléments qui jouent un rôle essentiel dans la structuration d'un objet musical ? Comment peut-on décrire une relation entre deux éléments musicaux tels que des accords, des motifs rythmiques ou mélodiques ? Dans ce manuscrit, des éléments de réponse sont proposés par la formalisation et l'implémentation d'un modèle multi-échelle de description de la structure d'un segment musical : les Graphes Polytopiques à Relations Latentes (GPRL/PGLR). Dans ce travail, les segments considérés sont les sections successives qui forment une pièce musicale. Dans le cas de la pop, genre musical sur lequel se concentre ce travail, il s'agit typiquement d'un couplet ou d'un refrain, de 15 sec. environ, comprenant un début et une fin bien définis. En suivant le formalisme PGLR, les relations de dépendance prédominantes entre éléments musicaux d'un segment sont celles qui relient les éléments situés à des positions homologues sur la grille métrique du segment. Cette approche généralise sur le plan multi-échelle le modèle Système&Contraste qui décrit sous la forme d'une matrice 2×2 le système d'attente logique au sein d'un segment et la surprise qui découle de la réalisation de cette attente. Pour des segments réguliers de taille 2^n, le PGLR peut être représenté sur un n-cube (carré, cube, tesseract, ...), où n est le nombre d'échelles considérées. Chaque nœud du polytope correspond à un élément musical fondamental (accord, motif, note...), chaque arête représente une relation entre deux nœuds et chaque face représente un système de relations. La recherche du PGLR correspondant à la meilleure description de la structure d'un segment musical s'opère par l'estimation jointe : de la description du polytope (un n-polytope plus ou moins régulier) ; de la configuration du graphe sur le polytope, permettant de décrire le flux de dépendance et les interactions entre les éléments par des implications élémentaires systémiques au sein du segment ; la description de l'ensemble des relations entre les nœuds du graphe. Le but du modèle PGLR est à la fois de décrire les dépendances temporelles entre les éléments d'un segment et de modéliser l'attente logique et la surprise qui découlent de l'observation et de la perception des similarités et des différences entre ces éléments. Cette approche a été formalisée et implémentée pour décrire la structure de séquences d'accords ainsi que de segments rythmiques et mélodiques, puis évaluée par sa capacité à prédire des segments inconnus. La mesure utilisée pour cette évaluation est la perplexité croisée calculée à partir des données du corpus RWC POP. Les résultats obtenus donnent un large avantage à la méthode multi-échelle proposée, qui semble mieux à même de décrire efficacement la structure des segments testés.