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Contexte : Le déficit enzymatique en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) est la principale cause de toxicité sévère à la capécitabine. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), son dépistage doit être réalisé par la mesure de l'uracilémie en France, et une réduction de dose de capécitabine s'impose en cas de valeur > 16 ng/ml. Une adaptation de la dose est également recommandée en cas d'altération de la fonction rénale ou d'âge avancé. Cependant, malgré ces ajustements, des toxicités sévères (≥ grade 3) ou invalidantes (grade 2) persistent. Patients et méthode : Nous avons recueilli les données de patientes atteintes d'un cancer du sein, traitées par capécitabine au Centre Eugène Marquis (Rennes, France), dans le but d’évaluer le rôle prédictif de l'uracilémie sur la toxicité de la capécitabine et de mettre en évidence d'autres facteurs prédictifs de toxicité. L'objectif principal était la survenue de toxicités de grade ≥ 2 (CTCAE 5.0) sous capécitabine. Les objectifs secondaires étaient la survenue de diarrhées de grade ≥ 2, de diarrhées de grade ≥ 3 et de toxicités tardives de grade ≥ 3. Résultats : Entre avril 2020 et juin 2021, 143 patientes ont été inclues dans l'étude. Les principales caractéristiques de notre population étaient : âge médian 62 ans (30-90), ECOG-PS médian 1 (0-3), prédominance de carcinome infiltrant non spécifique (48%), créatinémie médiane 61 umol/l (41-132), uracilémie médiane 9.3 ng/ml (3.6-22.1) dont 3 patientes (2%) avec une uracilémie > 16 ng/ml, une dose médiane de capécitabine de 918 mg/m2 × 2/jour (404-1505) et un traitement principalement utilisé dans un contexte métastatique (80%). Au total, 90 patientes (63%) ont présenté des toxicités de grade ≥ 2, dont 23 de grade 3 (16%). Aucune toxicité de grade 4 ou 5 n'est survenue. Les toxicités de grade 3 les plus fréquentes étaient la diarrhée (5.6 %) et le syndrome main-pied (4.9 %). Aucun facteur prédictif de toxicité de grade ≥ 2 n'a été identifié et l'uracilémie n'était prédictive d'aucune toxicité d'intérêt.
En analyse univariée, la créatinémie médiane (72 vs 61 umol/l, p=0.009) et l'âge médian (72 vs 60 ans, p=0.012) étaient plus élevés en présence de diarrhée de grade ≥ 3 qu'en l'absence de diarrhée, mais ces associations n'ont pas été confirmées en analyse multivariée. Discussion : Notre étude inclut la plus grande cohorte de patientes traitées par capécitabine pour un cancer du sein depuis l'introduction de la mesure obligatoire de l'uracilémie avant traitement par fluoropyrimidine. Selon un modèle de prescription en vie réelle, peu de toxicités sévères persistent sous capécitabine, et l'uracilémie n'est plus un facteur de risque de toxicité sévère, probablement du fait des adaptations thérapeutiques réalisées.