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Le syndrome de Klinefelter (47,XXY) constitue l’aneuploïdie des chromosomes sexuels la plus fréquente chez l’Homme (1 sur 650, 0,1 à 0,2 % de la population masculine). En raison d’une grande variabilité phénotypique, le syndrome est largement sous-diagnostiqué (moins de 25 % des sujets atteints diagnostiqués). Le profil neurocognitif est plus stable et spécifique. Dans la littérature, un quotient intellectuel total normal ou bas, associé à quotient intellectuel verbal plutôt faible, des difficultés d’adaptation sociale et un taux élevé de comorbidités psychiatriques, incluant une agressivité précoce, sont classiquement décrits. Au Danemark, un risque plus élevé de commettre un crime sexuel et un incendie volontaire (comparativement à un sujet contrôle) a été récemment démontré. Un certain nombre de cas cliniques isolés, relatifs à des patients institutionnalisés, suggèrent la présence d’un sous-type « médico-légal » de patients Klinefelter. À l’heure actuelle, il existe peu de données robustes et exploitables en ce sens. Le syndrome de Klinefelter présente des spécificités neuropsychologiques, neurobiologiques et neuroanatomiques bien documentées, qui peuvent être utiles à la compréhension de la psychopathologie des symptômes comorbides. Certains auteurs utilisent également les caractéristiques génétiques et épigénétiques des aneuploïdies des chromosomes sexuels afin de clarifier les liens génotype-phénotype. Avec nos collègues belges du CRDS (Centre de Recherche en Défense Sociale, Tournai, Belgique), nous recrutons actuellement des patients Klinefelter hospitalisés parmi la population médico-légale, afin d’évaluer leurs traits psychopathiques avec l’échelle de Hare (PCL-R). Nos premiers résultats (n = 3) confirment que l’échelle est utile à la caractérisation objective phénotypique clinique de la population. Nous avons mis en évidence deux diagnostics doubles « Klinefelter-psychopathe » (score PCL-R total supérieur ou égal à 30/40). De façon plus intéressante, l’analyse dimensionnelle supporte notre hypothèse d’une prévalence importante du « profil explosif » relativement aux autres profils de psychopathie. Le présent article résume les arguments contextuels, historiques et actuels ayant motivé notre projet de recherche. Il discute certains des avantages offerts par l’étude de patients Klinefelter préalablement évalués à l’échelle de Hare, comme la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, la meilleure compréhension de la psychopathologie et du rôle développemental complexe des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, pour chacune de ces deux entités cliniques.