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Les œstrogènes, et en particulier l’œstradiol E2, régulent un nombre considérable de fonctions physiologiques au sein de l’organisme et permettent notamment l’établissement et le maintien des fonctions reproductives chez tous les vertébrés. L’E2 agit localement dans de multiples organes cibles via l’intermédiaire de ses récepteurs : ERα et ERβ. Par son action proliférative contribuant au renouvellement de l’épithélium mammaire, l’E2 ainsi que son récepteur ERα ont été associés au développement pathologique de tumeurs mammaires. Celles-ci sont qualifiées d’hormono-dépendantes car elles répondent pour la majorité d’entre elles à l’utilisation de l’hormonothérapie visant à bloquer leur croissance. Malheureusement, on estime que 30 à 40% des tumeurs mammaires finissent par présenter une résistance aux traitements anti-oestrogéniques, par des mécanismes extrêmement complexes. Les travaux présentés dans ce manuscrit ont pour objectifs de mieux comprendre les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans le phénomène d’échappement des cellules tumorales mammaires au contrôle hormonal. Dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes intéressés à deux facteurs capables de moduler l’activité d’ERα : l’hypoxie, qui désigne l’appauvrissement en oxygène du microenvironnement cellulaire, et la voie RhoA/MKL1 fréquemment mise en place au cours de la transition épithélio-mésenchymateuse. L’hypoxie est une caractéristique majeure des tumeurs solides, et des études lui suggèrent un rôle dans l’apparition de résistance endocrine. Nous montrons que le stress hypoxique inhibe fortement l’expression d’ERα, principalement au niveau protéique, et qu’il abolit la prolifération et la survie cellulaire induites par l’E2. L’analyse transcriptomique démontre qu’un certain nombre de gènes cibles d’ERα sont également régulés par l’hypoxie, qui peut soit réprimer (CXCL12…) ou bien augmenter leur expression (AREG…). Par ailleurs, l’analyse du cistrome d’ERα démontre une perte massive du nombre d’ERBSs (Estrogen Receptor Binding Site) par l’hypoxie, mais également une apparition d’ERBSs hypoxie-spécifiques. Nos résultats suggèrent que le fort recouvrement de régulation entre ERα et l’hypoxie puisse moduler l’efficacité des thérapies antihormonales. Enfin, l’équipe a démontré que l’activation de la voie RhoA/MKL1 provoque une forte inhibition de la fonction AF1 d’ERα. Afin de mieux appréhender les effets de cette voie de signalisation sur l’activité d’ERα, une lignée cellulaire MCF7 exprimant stablement un mutant constitutivement actif du facteur MKL1 a été générée. Nous montrons que son expression modifie profondément le contexte cellulaire en provoquant le basculement d’un phénotype luminal vers un phénotype basal-like. L’analyse transcriptomique de la réponse à l’E2 montre que le changement d’orientation cellulaire induit par MKL1 abolit toute régulation transcriptionnelle des gènes cibles d’ERα. Ce changement d’orientation cellulaire s’accompagne d’une reprogrammation massive du cistrome d’ERα avec une perte importante de ses sites de fixation à la chromatine, mais également de façon inattendue, un enrichissement en nouveaux ERBSs. Enfin, nous montrons une forte augmentation des interactions « non-génomiques » d’ERα avec des partenaires cytoplasmiques tels que PI3K, MSK1 et Src. Ces données suggèrent que dans des cellules agressives de type mésenchymal exprimant ERα, l’activité du récepteur repose majoritairement sur son action « non-génomique ». De façon intéressante, l’utilisation de l’anti-œstrogène pur ICI 182 780 n’a aucun effet inhibiteur sur ces interactions, pour lesquelles un rôle fonctionnel reste à établir.