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La médicalisation de la prise en charge de la grossesse et de la petite enfance n’est pas un fait récent. A partir des années 1860 les médecins, inspirés par la hantise du déclin démographique en France, s’indignent de la surmortalité des enfants de moins de 1 an (180°/°°). Ils jugent qu’elle serait en partie évitable si les mères et les nourrices souvent négligentes étaient guidées par les médecins pour l’élevage des enfants. Les sages-femmes deviennent les médiatrices des médecins auprès des femmes, notamment à travers la revue « La sage-femme et le puériculteur » créée en 1897 par le Syndicat Général des Sages-Femmes de France. Leur profession étant en crise, les sages-femmes pour survivre s’allient aux accoucheurs et aux puériculteurs. Il est intéressant de comparer les conseils de puériculture actuels par rapport à ceux des débuts de la puériculture médicalisée. En quoi la représentation que se font les professionnels de santé du « métier de mère » au cours de la Troisième République a-t-elle induit certaines caractéristiques ultérieures de la prise en charge de la grossesse et de la petite enfance en France ? Pour répondre à cette question, la méthode de travail employée a été le dépouillement d’une revue spécialisée, La Sage-Femme et le Puériculteur, entre 1900 à 1937. Ceci afin de tenter de décrire quels étaient les rudiments du « métier de mère » et comment les professionnels de santé cherchaient à les faire intégrer aux mères. Les prescriptions médicales concernant les femmes enceintes abordent principalement l’alimentation, la consommation d’alcool, le repos. Les prescriptions médicales concernant les nourrissons sont nombreuses et minutieuses : tétées à heures fixes, bains quotidiens, pesée hebdomadaire, port de vêtements peu serrés, critique des bouillies précoces. Le mode d’alimentation des nourrissons est au cœur des discussions. L’allaitement maternel est recommandé mais depuis la révolution pastorienne l’allaitement artificiel devient possible sous réserve d’appliquer des règles d’hygiène strictes. Les conseils de prévention sont particulièrement exposés à l’influence du contexte historique et sociologique. Les conditions matérielles, les connaissances scientifiques, la montée du pouvoir médical, l’obsession nataliste au lendemain de la guerre, l’eugénisme, la première vague de féminisme et la mise en avant de la fonction sociale de la maternité ont eu un impact à cette époque. Il existe une relative continuité du discours durant les 37 années étudiées, probablement du fait de la lenteur des changements de comportements qu’il implique. Les thématiques de puériculture du début du XXème siècle sont toujours d’actualité même si leur contenu a évolué. Il existe des permanences, concernant l’allaitement maternel par exemple, et des mutations, concernant la consommation d’alcool par exemple. En 2014 la mortalité infantile est passée à 3.3°/°°.