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INTRODUCTION : Dès 2010, Belle-Île-en-Mer, territoire isolé au sud du Morbihan, a été victime de désertification médicale. En 2011, l’Agence Régionale de Santé a dressé le portrait d’un territoire isolé avec une précarité sociale et sanitaire plus importante que sur le continent. Par ailleurs on notait une croissance constante de la population résidente et ainsi que de la fréquentation touristique. De 2013 à 2015, la mise en œuvre d’un Contrat Local de Santé avec les acteurs locaux a permis la réorganisation des soins primaires et favorisé l’installation de nouveaux médecins généralistes. Nous avons voulu mesurer un de ses impacts en étudiant l’évolution du nombre d’évacuations en urgence des patients bellilois de 2010 à 2018, leur nature et leurs caractéristiques. METHODE : Il s’agit d’une étude descriptive analytique monocentrique (SAMU 56) rétrospective, sur neuf années (du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2018), des appels de patients bellilois pour motif médical urgent avec décision d’évacuation, par hélicoptère ou canot de la SNSM. RESULTATS : 1119 appels avec décision d’évacuations ont été analysés. À partir de 2010, le nombre d’évacuations a augmenté jusqu’à observer un pic en 2013 (149 évacuations) puis à nouveau en 2015 (145 évacuations) avant de diminuer légèrement et se stabiliser autour de la moyenne (124 évacuations annuelles). La population évacuée était plutôt âgée (sur deux tiers de la période les plus de 60 ans représentaient près de 50% des cas), avec une prédominance masculine (en moyenne 55,2%). Les évacuations avaient lieu principalement en saison estivale (entre mi-juin et mi-septembre, en moyenne 48,2%). De 2011 à 2015, le mode d’évacuation favorisé était l’hélicoptère (avec un maximum atteint en 2013 de 130 évacuations héliportées contre 19 évacuations par voie maritime), ensuite, la majorité des évacuations se faisaient par canot. Le motif d’évacuation prédominant était la traumatologie, toute classe d’âge confondue. En deuxième position venaient le motif obstétrical pour les 15 - 44 ans, et les pathologies cardio-vasculaires et neuro-vasculaires pour les plus de 45 ans. Au moment des pics de 2013 et 2015, le nombre d’évacuations pour motifs médicaux hors contexte traumatologique ou obstétrique a observé une nette hausse. CONCLUSION : Belle-Île-en-Mer a connu une augmentation du nombre des évacuations au moment où il y avait le moins de médecins généralistes installés sur l’île. La réorganisation des soins semble avoir limité le nombre d’évacuations sanitaire en urgence. Cette étude montre l’intérêt non négligeable d’une réorganisation profonde des soins ambulatoires et la gestion des urgences, adaptée à l’échelle des territoires isolés concernés. Cette formule mérite d’être étudiée et reconnue, et pourrait inspirer les professionnels d’autres territoires de santé fragiles.