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Introduction : Le cancer du canal anal est un cancer rare, mais dont l’incidence augmente. La radiochimiothérapie concomitante est le traitement de référence des tumeurs localement avancées mais le bénéfice de cette association est controversé pour les tumeurs de stade précoce, notamment T1N0, dont le traitement recommandé est une radiothérapie exclusive. Les objectifs de cette étude étaient d'évaluer l'efficacité de la radiothérapie exclusive sur le contrôle local et la survie des patients atteints de carcinome épidermoïde du canal anal T1N0 ou T2≤3cm N0 et d'identifier des facteurs prédictifs de récidive et de survie. Méthodes : Cette étude rétrospective multicentrique a inclus des patients atteints de carcinome épidermoïde du canal anal T1N0 ou T2≤3cm N0, traités par radiothérapie exclusive. Les survies sans récidive loco-régionale (SSRLR), sans colostomie (SSC) et les survies globale (SG) et spécifique (SS) étaient calculées selon le modèle de Kaplan Meier avec intervalles de confiance à 95%. Résultats : Au total, 88 patients ont été inclus entre Janvier 1999 et Décembre 2015 dans 4 centres, avec un âge médian de 64 ans, dont 68 (77%) femmes et 7 (8%) patients VIH+. La tumeur était classée T1N0 chez 56 (64%) patients et peu différenciée chez 15 (17%) patients. L'irradiation était pelvienne chez 74 (84%) patients, les autres ayant une irradiation limitée au canal anal. La dose totale médiane délivrée sur la tumeur anale était de 63 Gy. Trois patients n’ont pas reçu de boost. Seuls deux patients n’étaient pas en réponse tumorale complète après radiothérapie. Les toxicités aigües sévères (grade 3-4) rapportées étaient : hématologique, cutanée, muqueuse et digestive. Les toxicités tardives sévères étaient : incontinence anale, rectite et cystite radiques. Après un suivi médian de 58,3 mois, 21 patients (24%) ont récidivé : récidive locale isolée (n=18), récidive ganglionnaire locorégionale et métastatique (n=2) et récidive métastatique isolée (n=1). Dix-huit patients (20%) sont décédés dont 9 de leur cancer du canal anal. Les taux de SG, de SS, de SSRLR et de SSC à 5 ans étaient respectivement de 84,4% [76,2; 93,6]; 95,8% [91,2; 100]; 79,3% [70,2; 89,5]; et 86,0% [77,7; 95,2]. En analyse multivariée, l'âge > 65 ans (HR= 0,22; p=0,0262), la réalisation d’une irradiation pelvienne (HR= 0,16; p=0,0057), le caractère peu différencié de la tumeur (HR = 0,10 ; p=0,0488), l’absence de réalisation de Tep scan (HR=6,24 ; p=0,0019) et la réalisation d'un boost (HR=0,09; p=0,0437) étaient des facteurs indépendants associés à une meilleure SSRLR. Conclusion : Dans notre étude, les carcinomes épidermoïdes du canal anal de stade précoce traités par radiothérapie exclusive récidivent dans près d'un quart des cas. L’irradiation pelvienne, identifiée ici comme un facteur indépendant associé à un meilleur contrôle local et une meilleure survie liée à la maladie, devrait être réalisée de manière systématique chez ces patients.