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Les études de bioacoustique animale, qui reposent traditionnellement sur des modèles primates non humains et oiseaux chanteurs, convergent vers l'idée que la vie sociale serait la principale force motrice de l'évolution de la complexité de la communication. La comparaison avec les cétacés est également particulièrement intéressante d'un point de vue évolutif. Ce sont des mammifères qui forment des liens sociaux complexes, ont des capacités de plasticité acoustique, mais qui ont dû s'adapter à la vie marine, faisant de l'habitat une autre force de sélection déterminante. Leur habitat naturel impose des contraintes sur la production sonore, l'utilisation et la perception des signaux acoustiques, mais, de la même manière, limite les observations éthologiques. Etudier les cétacés captifs devient alors une source importante de connaissances sur ces animaux. Au-delà de l'analyse des structures acoustiques, l'étude des contextes sociaux dans lesquels les différentes vocalisations sont utilisées est essentielle à la compréhension de la communication vocale. Par rapport aux primates et aux oiseaux, la fonction sociale des signaux acoustiques des dauphins reste largement méconnue. En outre, les adaptations morpho-anatomiques de l’appareil vocal et auditif des cétacés à une vie sous-marine sont uniques dans le règne animal. Leur capacité à percevoir les sons produits dans l'air reste controversée en raison du manque de démonstrations expérimentales. Les objectifs de cette thèse étaient, d'une part, d'explorer l'utilisation contextuelle spontanée des signaux acoustiques dans un groupe captif de dauphins et, d'autre part, de tester expérimentalement les capacités à percevoir les sons sous l’eau comme dans l’air. Notre première étude observationnelle décrit la vie quotidienne de dauphins en captivité et montre que les signaux vocaux reflètent, à grande échelle, la répartition temporelle des activités sociales et non sociales dans un établissement sous contrôle humain. Notre deuxième étude met l'accent sur le contexte d’émission des trois principales catégories acoustiques précédemment identifiées dans le répertoire vocal des dauphins, à savoir les sifflements, les sons pulsés et les séries de clics. Nous avons trouvé des associations préférentielles entre chaque catégorie vocale et certains types d'interactions sociales ainsi que des combinaisons sonores non aléatoires et également dépendantes du contexte. Notre troisième étude a testé expérimentalement, dans des conditions standardisées, la réponse des dauphins à des « labels » acoustiques individuels donnés par l’homme et diffusés dans l’eau et dans l’air. Nous avons constaté que les dauphins peuvent reconnaître et réagir uniquement à leur propre « label » sonore, même lorsqu'il est diffusé dans l’air. En plus de confirmer l'audition aérienne, ces résultats soutiennent l’idée que les dauphins possèdent une notion d'identité. Dans l'ensemble, les résultats obtenus au cours de cette thèse suggèrent que certains signaux sociaux dans le répertoire des dauphins peuvent être utilisés pour communiquer des informations spécifiques sur les contextes comportementaux des individus impliqués et que les individus sont capables de généraliser leur concept d'identité à des signaux générés par l'homme.