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L’apathie est définie comme une diminution des comportements dirigés vers un but. Bien qu’elle soit observée chez environ 30 % des sujets déprimés, les mécanismes neuro-vasculaires sous-tendant l’apathie, notamment chez les patients souffrant de dépression, restent peu connus. L’objectif principal de cette étude était de comparer la perfusion cérébrale des sujets déprimés apathiques aux déprimés non apathiques mesurée par Arterial Spin Labeling (ASL). L’ASL est une technique d’IRM permettant de mesurer la perfusion cérébrale de manière quantitative et non-invasive en utilisant le sang artériel comme traceur endogène. L’objectif secondaire était l’étude du profil clinique des patients déprimés apathiques. L’étude a été menée à partir d’une cohorte de sujets présentant un épisode dépressif caractérisé selon les critères du DSM IV-TR, inclus entre novembre 2014 et juin 2016 à Rennes. 112 sujets déprimés ont été inclus, parmi lesquels 35 étaient apathiques (AES ≥ 42), 77 non apathiques (AES < 42). Chacun bénéficiait d’une évaluation clinique avec passation d’échelles, notamment d’apathie (AES), d’anxiété (STAI) et d’anhédonie (SHAPS) et pour 93 d’entre eux, d’une IRM cérébrale. Les données IRM incluaient une séquence anatomique 3D pondérée en T1 (3D-T1w) et une séquence d’ASL pseudo continue (pc ASL). La 3D-T1w a été segmentée en tissus cérébraux tandis que la série ASL a été corrigée en mouvement puis recalée sur la 3D-T1w avant d’être quantifiée pour produire une carte de débit sanguin cérébral (DSC). Toutes les données anatomiques et de perfusion ont été spatialement normalisées sur l’atlas du MNI. Une analyse statistique en régions d’intérêt (ROIs) a enfin été menée pour comparer le DSC entre les groupes apathique et non apathique. Les sujets apathiques avaient un débit sanguin cérébral significativement plus élevé que les non apathiques au niveau du putamen gauche (p = 0,03), du noyau caudé gauche (p = 0,014), des noyaux accumbens gauche (p = 0,035) et droit (0,023), du cortex frontal supérieur gauche (p = 0,040) et droit (p = 0,041) et au niveau du cortex frontal moyen gauche (p = 0,022). Sur le plan clinique, les déprimés apathiques étaient significativement moins anhédoniques. Nous avons montré que les profils perfusionnels et cliniques des sujets déprimés apathiques et non apathiques diffèrent. Cette étude suggère l’existence d’anomalies affectant les régions clés impliquées dans la boucle dopaminergique meso-cortico-limbique du système de la récompense : le striatum dorsal, le striatum ventral et les cortex frontaux moyen et supérieur. Chaque région concernée semble sous-tendre une dimension de l’apathie avec respectivement une atteinte des dimensions comportementales, émotionnelles et cognitives. L’apathie semble donc être un biomarqueur intéressant pour caractériser différents phénotypes de dépression.