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La spermatogenèse chez les mammifères est une fonction biologique complexe incluant des processus de prolifération cellulaire, de méiose et de différenciation uniques visant à la production des gamètes mâles au sein du testicule. Si l'épithélium séminifère, théâtre de ce processus est bien décrit sur le plan de son organisation et de la morphologie des cellules qui le composent, les mécanismes moléculaires qui sous-tendent la spermatogenèse ne sont pas encore complètement décryptés. Ces processus par lesquels les cellules germinales diploïdes indifférenciées, les spermatogonies, entrent en méiose pour donner ensuite des cellules haploïdes qui subissent de nombreuses transformations morphologiques incluant la compaction du génome, la formation de l'acrosome et du flagelle sont largement supportés par les cellules de Sertoli, cellules nourricières, qui sont en étroite interaction mécanique et fonctionnelle avec les cellules germinales. Dans ce contexte, les cellules germinales et les cellules de Sertoli entretiennent le dialogue nécessaire au bon déroulement de la spermatogenèse et de la spermiogénèse, et duquel dépend la production de 100 millions de spermatozoïdes par jour chez le rat. La spermatogenèse repose sur l'expression coordonnée et séquentielle des gènes, dont les produits spécifiques de chaque stade de développement des cellules germinales sont essentiels à chaque étape clé et à son bon déroulement. La transcriptomique depuis les années 1990, et la protéomique depuis les années 2000 ont contribué à l'amélioration de la connaissance de ces mécanismes. Deux études importantes ont été menées dans notre unité, et qui ont été à la base de mes travaux de thèse. D'une part une étude de protéomique sur le long terme visant à caractériser par des approches systématiques et différentielles le protéome testiculaire avec un focus sur celui de la lignée germinale. D'autre part, une étude très récente qui a permis de caractériser et quantifier le transcriptome des cellules testiculaires isolées de rat, avec une haute résolution, en utilisant une approche de séquençage de novo des transcrits (RNA-seq). Cette dernière étude a mis en évidence l'accumulation de longs ARNs non codants (lncRNAs), et de transcrits testiculaires non annotés (TUTs) aux stades méiotique et post-méiotique de la spermatogenèse, chez le rat. Dans ce contexte, mon travail de thèse a consisté à valider le potentiel codant de nombreux gènes exprimés dans les cellules germinales, par une approche dite PIT (Proteomics Informed by Transcriptomics) couplant protéomique Shotgun et RNA-seq. Dans ce type d'approche, les séquences protéiques déduites des transcrits des différents types cellulaires du testicule assemblés par RNA-seq sont intégrées dans une base personnalisée de séquences protéiques utilisée pour interroger les données de spectrométrie de masse obtenues à partir d'extraits de protéines totales de cellules méiotiques et post-méiotiques. Mon travail a consisté d'autre part à identifier des protéines membranaires des cellules germinales et des corps résiduels susceptibles d'intervenir dans le dialogue entre les cellules de Sertoli et les cellules germinales, par une approche de quantification relative ICPL. Par ailleurs, j'ai pu établir par protéomique Shotgun un premier protéome des cellules de Sertoli, des cellules germinales et des corps résiduels de rat. Les peptides identifiés par MS/MS sur l'ensemble de ces types cellulaires sont visuellement accessibles sur le ReproGenomicsViewer (http://rgv.genouest.org/). L'approche PIT a permis de montrer que 69 TUTs ou lncRNA (correspondant à 44 loci) codent pour des protéines dans les cellules méiotiques et post méiotiques chez le rat, et de confirmer expérimentalement l'expression post-méiotique de deux nouveaux transcrits, codant pour la protéine VAMP9, une protéine de la famille SNARE, et pour une nouvelle énolase T-ENOL. L'expression post-méiotique de la nouvelle protéine T-ENOL a été confirmée par immunohistochimie à l'aide d'un anticorps polyclonal produit contre la protéine recombinante. Cette approche nous a également permis d'identifier de nouvelles isoformes de protéines connues, spécifiques de chaque stade de la spermatogenèse. L'analyse différentielle par ICPL des protéines membranaires des cellules germinales et des corps résiduels nous a permis d'établir une liste de 166 protéines dont l'expression est différentielle entre les spermatocytes pachytène, les spermatides rondes et les corps résiduels. Du fait de cette expression différentielle, ces protéines sont susceptibles de jouer un rôle dans la spermiogénèse. Grâce aux annotations de le Gene Ontology, j'ai pu établir une liste de 8 protéines ayant un rôle supposé dans la transduction du signal, la reconnaissance cellulaire ou bien la différenciation, donc potentiellement impliquées dans le dialogue entre les cellules de Sertoli et les cellules germinales. Cette étude a montré par ailleurs la surexpression dans les cellules germinales, de quelques protéines de la famille des Rab et de la famille des TMED récemment reconnues comme ayant un rôle de régulation dans l'immunité innée.