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Héritiers d’une histoire constitutionnelle et politique discontinue, les Français ont eu toutes les difficultés à entretenir une relation étroite avec leur pacte fondamental. L’imprévisibilité des événements, le culte de l’État dans les cultures politiques et la foi dans la force symbolique des principes ont conduit à une déconsidération à l’endroit des formes constitutionnelles. Par-delà le paradigme légicentriste qui a longtemps prévalu dans l’esprit des révolutionnaires français, l’absence de centralité de la Constitution dans la conscience nationale a freiné l’éclosion d’une culture de la constitution. À l’inverse, les discours qui célèbrent le moment fondateur de Philadelphie contribuent à assimiler la Constitution à un texte religieux faisant l’objet d’une vénération. Élément du patrimoine culturel américain, la Constitution structure le débat politique. Bien qu’elle soit perpétuellement menacée par le fétichisme, l’appropriation (sociale, politique, jurisprudentielle ou affective) dont elle fait l’objet par les acteurs politiques, les juristes et les citoyens participe d’un processus d’interprétation qui en garantit l’adaptation. À l’heure où la justice constitutionnelle assure l’autorité juridique de la loi fondamentale, le constitutionnalisme français est désormais en mesure de faire valoir ses propriétés culturelles. Invoquée devant le juge par des citoyens qui défendent leur système de valeurs, la Constitution se trouve versée dans le débat politique. Appréhendée comme un outil de régulation et d’intégration sociale, l’intériorisation du droit donne naissance à des réflexes et à des habitudes qui modifient les contours de la délibération publique. Certes, la culture de la constitution s’enracine principalement au sein d’un imaginaire national ; néanmoins, le contexte de globalisation juridique oblige de plus en plus à transposer des standards constitutionnels ou à opérer des emprunts juridiques. Mettant à l’épreuve les cultures constitutionnelles et politiques, ce mimétisme, toujours imparfait, suppose une acculturation au libéralisme et une adhésion aux vertus du droit. Par conséquent, l’identification d’une culture de la constitution s’éprouve d’abord par un acte de reconnaissance qui permet l’autoreprésentation de la société. Outre la formalisation d’une identité constitutionnelle, une telle reconnaissance favorise également l’obéissance des gouvernants aux prescriptions constitutionnelles. En effet, dans la mesure où elle peut conduire les acteurs politiques et les citoyens à partager une conscience collective, les dimensions symbolique et normative de la Constitution sont de nature à civiliser les pratiques sociales et politiques.