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Durant ces trois dernières décennies, les présomptions sur les troubles liés aux perturbateurs endocriniens chez l’Homme n’ont cessé de s’accumuler. De nombreuses études ont fait état d’une augmentation des troubles de la reproduction (dégradation des paramètres séminaux en certains endroits du globe, augmentation de l’incidence des cancers testiculaires) et des anomalies du développement du tractus uro-génital (cryptorchidie et hypospadias) de l’Homme. Néanmoins, la description précise de ces anomalies est souvent difficile à cause d’un manque d’uniformité dans les critères de diagnostic. Plusieurs causes peuvent toutefois être identifiées et les preuves mettant en cause l’exposition chimique se sont renforcées. Ces polluants industriels capables de perturber les fonctions du système endocrinien sont alors appelés « perturbateurs endocriniens » (PE). Ce terme, entré dans les mœurs, est devenu un réel débat de société pesant même dans les décisions politiques (REACH). Mises en relation, ces observations ont conduit de nombreux chercheurs à étudier dans l’environnement des polluants permettant d’expliquer, du moins en partie, la détérioration de la fonction de reproduction masculine. Outre les études épidémiologiques, l’évaluation des effets de potentiels perturbateurs endocriniens chez l’Homme est complexe. Les études sur des modèles cellulaires, animaux ont certes aidé à faire des avancées considérables dans la compréhension de leurs effets physiologiques et de leurs mécanismes d’action, il existe toutefois de nombreuses disparités entre les études que ce soit au niveau du modèle expérimental choisi. De même, de nombreux paramètres comme les doses choisies, les temps d’exposition, le modèle expérimental ou encore l’âge des animaux limitent l’extrapolation à l’espèce humaine. Pour mieux contribuer à la compréhension de ces phénomènes chez l’Homme, nous avons mis au point au laboratoire notre propre système de culture organotypique d’explants testiculaires humains fœtaux. Ce système existe depuis très longtemps chez le rongeur; couplé à une approche complémentaire par xénogreffe, il pourrait à terme permettre de mieux comprendre les mécanismes de ces PE chez l’Homme. Dans un premier temps, différents paramètres de ce système ont été étudiés afin d’en tester la robustesse en utilisant un présumé PE faisant l’objet d’une attention publique particulière : le bisphénol A. Malgré plusieurs études suggérant ses propriétés anti-androgéniques, il en existe d’autres qui au contraire arguent de son absence d’effet générant ainsi un vif débat autour de cette molécule. Mes travaux de thèse mettent en exergue l’influence notable que peuvent avoir les conditions de culture ex vivo, et sur les résultats obtenus dans les études toxicologiques sur le bisphénol A et donc sur leur interprétation en terme d’évaluation du risque. Nous avons également utilisé ce système de culture pour évaluer les effets de perturbateurs endocriniens émergents comme les analgésiques sur la fonction testiculaire du fœtus humain, en particulier l’ibuprofène, largement consommé pendant la grossesse. Ces analgésiques ont en effet été récemment pointés du doigt dans l’augmentation du facteur de risque de survenue de cryptorchidie. Nous avons donc évalué les effets directs de l’ibuprofène qui semblent cibler tous les types cellulaires du testicule fœtal.