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La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative principalement associée à la dégénérescence progressive des neurones dopaminergiques du mésencéphale provoquant un dysfonctionnement des noyaux gris centraux. En parallèle de symptômes moteurs bien connus, cette affection entraîne également l’émergence de déficits émotionnels impactant en outre l’expression et la reconnaissance des émotions. Ici, se pose la question d’un déficit de reconnaissance des émotions faciales chez les patients parkinsoniens lié au moins en partie aux troubles moteurs. En effet, selon les théories de simulation des émotions, copier les émotions de l’autre nous permettrait de mieux les reconnaître. Ce serait le rôle du mimétisme facial. Automatique et inconscient, ce phénomène est caractérisé par des réactions musculaires congruentes à l’émotion exprimée par autrui. Dans ce contexte, une perturbation des capacités motrices pourrait conduire à une altération des capacités de reconnaissance des émotions. Or, l’un des symptômes moteurs les plus fréquents dans la maladie de Parkinson, l’amimie faciale, consiste en une perte de la mobilité des muscles du visage. Ainsi, nous avons examiné l’efficience du mimétisme facial dans la maladie de Parkinson, son influence sur la qualité du processus de reconnaissance des émotions, ainsi que l’effet du traitement dopaminergique antiparkinsonien sur ces processus. Pour cela, nous avons développé un paradigme permettant l’évaluation simultanée des capacités de reconnaissance et de mimétisme (corrugator supercilii, zygomaticus major et orbicularis oculi) d’émotions exprimées sur des visages dynamiques (joie, colère, neutre). Cette expérience a été proposée à un groupe de patients parkinsoniens comparé à un groupe de sujets sains témoins. Nos résultats supportent l’hypothèse selon laquelle le déficit de reconnaissance des émotions chez le patient parkinsonien pourrait résulter d’un système « bruité » au sein duquel le mimétisme facial participerait. Cependant, l’altération du mimétisme facial dans la maladie de Parkinson et son influence sur la reconnaissance des émotions dépendraient des muscles impliqués dans l’expression à reconnaître. En effet, ce serait davantage le relâchement du corrugateur plutôt que les contractions du zygomatique ou de l’orbiculaire de l’œil qui nous aiderait à bien reconnaître les expressions de joie. D’un autre côté, rien ne nous permet ici de confirmer l’influence du mimétisme facial sur la reconnaissance des expressions de colère. Enfin, nous avons proposé cette expérience à des patients en condition de traitement habituel et après une interruption temporaire de traitement. Les résultats préliminaires de cette étude apportent des éléments en faveur d’un effet bénéfique du traitement dopaminergique tant sur la reconnaissance des émotions que sur les capacités de mimétisme. L’hypothèse d’un effet bénéfique dit « périphérique » sur la reconnaissance des émotions par restauration du mimétisme facial reste à tester à ce jour. Nous discutons l’ensemble de ces résultats selon les conceptions récentes sur le rôle des noyaux gris centraux et sous l’angle de l’hypothèse de feedback facial.