Voir le résumé
Chez l’homme, de nombreux médicaments ne sont toxiques que chez un petit nombre de patients traités. Divers facteurs de susceptibilité, génétiques et autres (doses quotidiennes, stress inflammatoire, réaction immune, maladie hépatique,…), favoriseraient la survenue de ces toxicités de type idiosyncratique, non prévisibles par des études chez l’animal. Leur prédiction et la caractérisation des mécanismes impliqués représentent donc un challenge majeur. Dans ce travail, nous avons étudié in vitro l’influence d’un stress inflammatoire sur le potentiel cytotoxique, cholestatique et stéatosique de trois médicaments connus par leurs effets de type idiosyncratique au niveau du foie, le diclofenac (DCF), la trovafloxacine (TVX) et l’amiodarone (AMD) en utilisant comme modèles expérimentaux les cellules humaines HepaRG différenciées, métaboliquement compétentes, et pour comparaison les cellules HepaRG non différenciées, les cellules HepG2, les hépatocytes humains primaires ainsi qu’un autre modèle cellulaire eucaryote la levure Saccharomyces cerevisiae. Nos résultats montrent que les cellules HepaRG différenciées sont moins sensibles au DCF que les cellules métaboliquement non compétentes et que cette toxicité implique la voie intrinsèque de l’apoptose, associée à la génération de ROS et d’un stress du réticulum endoplasmique. Elle est aggravée par le TNF-α via la voie apoptotique extrinsèque. La toxicité de DCF est aussi augmentée lors d’un co-traitement avec TVX et encore plus en présence de TNF-α. En revanche, cette cytokine ne potentialise pas les effets cholestatiques des 2 molécules, caractérisés notamment par une dilatation des canalicules biliaires et une inhibition de l’activité de certains transporteurs d’acides biliaires (BSEP, NTCP). Un stress inflammatoire induit par le lipopolysaccharide bactérien aggrave aussi les effets cytotoxiques et stéatosiques de l’AMD via une production de ROS, une inhibition de l’oxydation des acides gras et une accumulation des triglycérides, aboutissant à un contexte de stéatohépatite. De plus, une aggravation de la toxicité de DCF a également été observée dans Saccharomyces cerevisiae portant une mutation au niveau de certains transporteurs de la phase III, tel que Pdr5, et surtout après co-traitement avec la N-acétyl-cystéine via une voie qui pourrait être dépendante des perturbations des ponts di-sulfure au niveau de certaines protéines clés (transporteurs, protéines de signalisation ou facteurs de transcription, ...). Au total, tous ces résultats suggèrent que des facteurs environnementaux tel qu’un stress inflammatoire, et génétiques peuvent moduler la réponse toxique à des médicaments non seulement en induisant des stress oxydants et du réticulum endoplasmique mais aussi en modifiant leur métabolisme et donc les interactions entre médicaments, et certaines voies de signalisation essentielles.