Entrer dans l’âge adulte sous contrainte sociojudiciaire. Réception de l’action publique et gouvernementalité dans les parcours des jeunes judiciarisé·e·s au pénal au Québec (Transitioning to adulthood under socio-judicial duress. Policy reception and governementality in young offenders’ life course in Quebec) Dumollard, Marie - (2020-12-09) / Universite de Rennes 1, École nationale d'administration publique (Montréal, Canada) - Entrer dans l’âge adulte sous contrainte sociojudiciaire. Réception de l’action publique et gouvernementalité dans les parcours des jeunes judiciarisé·e·s au pénal au Québec
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Langue : Français Directeur(s) de thèse: Loncle, Patricia; Goyette, Martin Discipline : Science politique Ecole Doctorale : Droit et Science Politique Classification : Science politique Mots-clés : Justice des mineur·e·s, Transition vers l’âge adulte, Réception de l’action publique, Gouvernementalité, Régulation pénale, Accompagnement, Jeunes contrevenant·e·s, Québec
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Résumé : Pendant leur jeunesse, les jeunes qualifié·e·s de contrevenant·e·s sont confronté·e·s à un double enjeu : d’une part, les défis relatifs à l’entrée dans l’âge adulte, plus complexes dans leur situation que chez leurs pair·e·s non délinquant·e·s ; d’autre part, ceux liés au désistement du crime, socialement attendu pour remplir les normes associées au statut d’adulte. Ces processus individuels non linéaires se déploient sur fond de prises en charge institutionnelles au sein de l’État pénal et de son système de justice juvénile, et/ou par l’État social dans le cadre des politiques sociales de jeunesse pour certains d’entre eux·elles. Aussi, cette thèse s’intéresse-t-elle à cette action publique sociojudiciaire – ou sociopénale – déployée en direction des jeunes judiciarisé·e·s au pénal. Elle vise justement à mieux comprendre ses modalités d’intervention telles que mises en œuvre auprès de ce public à un moment charnière des parcours de vie. Autrement dit, comment l’action publique sociojudiciaire soutient-elle, ou non, l’entrée dans l’âge adulte des jeunes dit·e·s contrevenant·e·s ? Bâtie sur une perspective conceptuelle à la croisée du parcours de vie, de la gouvernementalité et de la réception de l’action publique, la recherche privilégie une analyse de l’action publique « par le bas ». Elle interroge à ce titre les jeunes judiciarisé·e·s au pénal qui en sont destinaires et deviennent en ce sens des agent·e·s d’influence de sa mise en œuvre. À partir d’une méthodologie qualitative et compréhensive, les récits de vie de jeunes suivi·e·s dans le cadre de mesures pénales effectuées dans la communauté ont ainsi été recueillis. Les résultats s’articulent autour de quatre grands axes. 1) Les prises en charge institutionnelles passées occupent une place marquante et centrale dans les parcours juvéniles en transition. Plus précisément, l’enfermement et la prédominance de la logique pénale de contrôle au détriment d’une logique sociale, partenariale et intégrée d’accompagnement teintent les expériences qui ponctuent les parcours juvéniles. 2) Un continuum de réception de l’action publique se dessine alors, témoignant de la modulation des formes de l’intervention sociojudiciaire en fonction de deux profils de jeunes et de leur parcours antérieur. 3) Les conséquences positives des interventions sociojudiciaires sont minimisées par leur double caractère paradoxal et contradictoire. 4) Dans ce contexte, les jeunes judiciarisé·e·s dans le système québécois de justice des mineur·e·s adoptent des stratégies ambivalentes, entre conformité et résistance aux changements attendus d’une part, entre sollicitation et mise à distance des soutiens sociaux d’autre part. Cette thèse contribue finalement à une meilleure compréhension des supports apportés à une catégorie de jeunes généralement considérée à travers la question de la délinquance. Ce faisant, elle nourrit les réflexions sur les hybridations entre État pénal et État social et caractérise les formes de la responsabilisation individuelle qui traversent les interventions sociojudiciaires portées en direction des jeunes judiciarisé·e·s dans le système québécois de justice des mineur·e·s. Abstract : Young people labelled as offenders face a dual challenge: on the one hand, they must transition to adult life, a process more complex for them than for non-offender peers; on the other hand, they must desist from crime to satisfy social expectations associated with adult status. These non-linear individual processes unfold in the context of the penal state's juvenile justice system, and, for some, the welfare state's youth social policies. The present research focuses on the socio-judicial – or socio-penal – public action taken with young people who are under criminal jurisdiction. It aims to better understand these forms of intervention as they are implemented with young people at a pivotal moment in their life course. The central question is how does socio-judicial public action support, or fail to support, young offenders' transition to adulthood? Built on a conceptual perspective that intersects notions of life course, governmentality and perceptions and the experience of public action, this research offers a “bottom-up” analysis of public action. It focuses on young people involved with the penal justice system who thereby become agents with influence on the implementation of public action. Based on a qualitative and comprehensive methodology, it explores the life stories collected from young people followed in the community setting by the penal justice system. Results revolve around four main themes. 1) Past institutional care occupies a significant and central place in juvenile pathways during the transition to adult life. More precisely, pathways are influenced by incarceration and the predominance of a penal logic of control as opposed to a social, partnership-based and integrated logic of accompaniment. 2) A continuum emerges in the perceptions and experience of public action, reflecting that forms of socio-judicial intervention are shaped around two profiles of young people and their earlier trajectories. 3) The positive impacts of socio-judicial interventions are compromised by their paradoxical and contradictory nature. 4) In this context, young people in the Quebec juvenile justice system adopt ambivalent strategies, between conformity and resistance to the changes expected of them on the one hand, and between solicitation and distancing from social supports on the other. This thesis contributes to better understanding the support provided to a category of young people who are more often considered in the context of delinquency. In doing so, it nourishes reflection on the hybridization of penal and social welfare states and characterizes the forms of individual accountability present in the socio-judicial interventions directed at young people in the Quebec juvenile justice system. |